Chapitre dernier.

L'animal resista quelques instants, puis son corps céda, il s'affaissa lourdement dans les feuilles mortes, lâchant un dernier râle presque inaudible. L'aiguille avait fait mouche, traversant sa gorge de par en part. Menion s'avança sûr de lui, et chargea la pauvre bête sur ses épaules, rejoignant la petite clairière où il avait dressé son camp pour la nuit. Marchant d'un bon pas malgrès sa charge, totalement perdu dans ses pensées, il se demandait s'il avait pris la bonne decision.
Voilà 10 ans qu'il avait quitté les siens pour rejoindre les aventuriers, entamant une nouvelle vie sans même se rendre compte de ce qu'il laissait derrière lui. Quel imbécile il avait été...

Un sourire sans joie passa furtivement sur son visage. 10 ans qu'il n'avait donné aucune nouvelles aux siens, et il ne restait jamais assez longtemps dans un village ou une auberge pour que ceux-ci puissent le retrouver. 10 ans qu'il fuyait sans cesse son passé, tentant désespérément d'oublier les terribles peines qui avaient torturé sa première vie. 10 longues années, dans lesquelles aucun jour ne s'écoula sans que ses souvenirs ne ressurgissent, le raccrochant irrémédiablement à cette part de son existance qu'il s'était efforcé à cacher, se persuadant un peu plus à chaque aube que ces évênements n'avaient jamais eu lieu. Bien entendu, il avait échoué...

Il déposa la carcasse du daim auprès d'un tas de branchage qu'il embrasa d'un claquement de doigts, puis il s'effondra contre un arbre, son visage enfouit sous ses vêtements. Sa vision de la nuit dernière l'avait bouleversé : sa soeur, tiah, mourrant en donnant la vie. Certains xélors ont parait-il le don de prescience, Menion espèrait de tout son coeur qu'il ne s'agissait que d'un rêve. Il emmergea peu à peu des méandres de son esprit pour faire cuire son repas, qu'il avala negligeamment, scrutant le ciel. Il appréhendait son retour chez les siens, mais il ne pouvait rester sans rien faire. Jugeant qu'il avait assez réfléchi à la question, il jetta les restes de son dîner au loin puis s'emmitoufla dans ses couvertures. Laissant peu à peu dériver son esprit, il mit longtemps à trouver le sommeil.

Menion partit à l'aube le lendemain, marchant d'un bon pas, il put apercevoir à l'horizon le clochet de tyrsis en milieu de matinée. Il arriva enfin après plusieurs heures aux pieds des portes fortifiées, puis pénetra dans le village, impassible. Parcourant rapidement les allées, il dénicha facilement la batisse qui fut autrefois sa demeure. A la vue de son ancien foyer, une foule de souvenirs dont il ne soupçonnait pas même l'existence ressurgirent, faisant un gros effort sur soi même, il réussit à contenir ses émotions. Il s'avança sur le palier, et tocqua à la porte, qui s'ouvrit d'elle même. Une couche épaisse de poussière recouvrait le mobilier, la maison était visiblement inhabitée depuis plusieurs années. Peu désireux de rester dans cet endroit qu'il s'était promis de bannir de son esprit, il sortit presque immédiatemment; un gamin l'attendait sur le palier, quelques autres villageois avaient cessé leur occupation pour pouvoir observer la scène. Le gamin parla le premier :
-Qui es-tu voyageur? demanda-t-il fixant obstinément le vieil aventurier.
Interloqué par l'enfant, Menion ne voulait pas révêler sa véritable identitée.
-Un simple nomade, je cherche une dénommée Tiah, la connais-tu?
-Plus personne n'habite ici depuis longtemps, il s'est passé de sombres choses entre ses murs, qui es-tu voyageur?
Il sentait bien qu'il ne pourrait pas aller bien loin s'il s'y prenait de cette manière, aussi il décida d'être franc.
-Je suis Menion, Fils de Kalahorn, cette demeure appartient à ma famille, et je souhaiterai savoir pourquoi elle est vide!
A l'entente de ce nom, plusieurs personnes se retournèrent, certaines le regardèrent avec dédain.
-Pars! lui lança un homme. D'autres acquiescèrent.
-Quoi? Qu'est-il arrivé ici? Pourquoi cette maison est-elle abandonnée?
-Qu'est-ce que ça peut t'faire?! lui lança un autre. Tu as laissé les tiens sans rien, comme un lâche, toi qui est le seul fils de cette pauvre famille! Pars et ne reviens jamais!
S'efforçant de garder son calme, il répondit calmement.
-J'exige des explications! Où sont-ils?! Qu'est-ce qui a bi..
-Morts! Ils sont tous morts! coupa une femme qui s'avanca vers lui. Va-t-en! Le nom de Kalahorn s'est éteint, ils sont tous enterrés, et toi aussi tu devrais l'être depuis longtemps!
Menion tomba à genoux sur le coup, retenant les larmes de rage qui montaient à ses yeux.
-Comment? lacha-t-il.
-Ta soeur est morte en donnant la vie, nous ne connaissons pas le père, nous savons seulement qu'un homme est venu arracher le bébé à tes parents quelquees jours plus tard. Ces derniers ont suivi ta soeur dans sa tombe au bout de quelques mois, maintenant pars! Nous n'voulons plus entendre parler de cette famille! elle marqua un temps, puis repris. S'il te plait, ne nous y oblige pas.

Alors péniblement il se releva, la plupart des villageois retournèrent à leurs occupations, enfouissant cet évênement aux tréfonds de leur mémmoire. Quelques uns restèrent, veillants bien à ce qu'il quitte les lieux. Puis sans un mot, il disparut, ne laissant qu'une légère brume.

La lune était pleine, et le temps semblait s'être arrêté. Menion restait devant les tombes des siens, sans un mot. Il avait fait trop de mal autour de lui, sa lâcheté était impardonnable, il se haissait. Il avait vécu dans la peur, fuyant ses démons, cette nuit il était temps de les affronter, son passé l'avait rattrappé. Il se devait de rejoindre sa famille dans l'autre monde, du moins, il ne pouvait plus supporter de vivre dans celui-ci.

Alors la mort vint à lui, inéluctable, toute puissante, et l'embrassa de ses ombres. Menion ne resista pas, l'acceptant totalement, il lui offrit son âme et son corps, contre une promesse de redemption.



Ainsi parti Menion, fils de kalahorn, vaillant xelor et rhoneur hors pair.

Une nausée, un haut le coeur, une envie irrépressible de vomir prit soudain Pampu.
Elle le ressentait , elle venait de l'apprendre, de comprendre Menion ne reviendrait pas. Jamais.

Après avoir plusieurs fois rendu son petit dèj, elle alla se rafraichir un peu. Elle remonta son visage jusqu'à voir son reflet dans le miroir. Elle pleurait et le flot de larmes n'arrivait pas à se tarir.

NOOOOOOOOOOOOOOONNNNNNNN hurla-t-elle.

Puis dans un murmure s'éteignant peu à peu elle dit:

Qui va me râler dessus? Qui va me rabrouer sans cesse en me disant que j'exagère. Qui qui qui....

Elle tomba mollement au sol et se recroquevilla. Meni allait lui manquer

Dans la lumière pâle de la pleine lune, Ash' s'apprêtait à achever le dernier crocodaille de sa séance de chasse. Accroupie près de la bête à l'agonie, un frisson lui parcourut soudain l'échine, une sorte de sixième sens lui indiqua le départ d'un de ses compagnons vers l'autre monde.

Sans savoir pourquoi, elle adressa une prière à sa nouvelle déité Crâ. Elle resta longtemps sans bouger, observant un long moment de silence pour ce Xelor au côté du quel elle avait souvent eu l'occasion de combattre et qu'elle appréciait beaucoup.

Elle acheva froidement le reptile d'un coup de dague à la jugulaire. Le sang lui gicla à la figure. Maculée elle leva la tête vers les cieux.

-Au revoir Menion, murmura-t-elle

Oh Meni, Meni...

Des jours je t'ai suivi a travers les étendues sauvages, tentant en vain de te rattrapper. Un Xelor a toujours un temps d'avance... Je l'avais senti, mon vieil ami, je sentais ce drame flotter au dessus de toi comme un voile ténébreux. Menion, premier Aventurier du Dofus Perdu, Menion qui a partagé nos espoirs et nos doutes, nos peines et nos joies...Menion que je n'ai pas su sauver et qui git là, inanimé devant moi.

Sanglot

Je te ferai une belle tombe, mon ami, je t'y allongerai avec ta fidèle baguette.
Et on ne t'oubliera jamais.

Pandy joint le geste a la parole, creusant longuement une tombe a côté de celle de la famille de Meni. Il y déposa doucement le petit corps sans vie et remis la terre par dessus. Puis se détournant, essuyant larmes et sueur d'un revers de main, une expression déterminée vint s'afficher sur son visage

Je n'ai pas su te sauver, mais les villageois qui m'ont conduit jusqu'a toi on parlé d'un enfant. La seule chose que je puisse faire pour toi mon ami, c'est de le retrouver et de l'aider si il est besoin.

Enfonçant sa caracoiffe sur son front d'un geste déterminé, Pandala-Jones se mit en route, laissant derrière lui la tombe du plus grand des petits êtres qu'il ait connu

Vieu-Fon qui allait partir avec plusieurs de ses compagnons combattre le détenteur du Dofus Turquoise essayait de détendre l'atmosphère en plaçant ici ou là des calembours douteux. Un coursier à pied haletant arriva à temps pour donner un petit parchemin terreux et légèrement déchiré par l'eau à l'Enutrof avant que celui-ci ne rentre dans l'antre du Dragon Cochon. Un air de doute se lisait sur son visage au moment de prendre le parchemin. Il commença à lire et les traits de son visage tombèrent au fur et à mesure de sa lecture.
Il laissa tombé le parchemin par terre et avec un regard vide il s'éloigna de la troupe, bouche bée et gorge sèche en direction de l'endroit où Pandala-Jones avait creusé la tombe de Menion.
Il n'entendit pas les appels de ses amis de route et continua son chemin sans s'arrêter, sans manger ni boire. Le sommeil ne semblait pas l'attendre. Il arriva devant la tombe et baissa la tête, son chapeau fit passer son visage dans l'ombre du soleil de midi. Une larme tomba sur le tas de terre. Un murmure sortit de sa bouche.

-Au revoir Meni... on se connaissait assez peu mais tu étais quand même un très bon ami...

Il déposa sur la tombe quelques fleurs et pétales de roses puis regarda le soleil sans ciller, paraissant questionner le ciel, puis s'éloigna de quelques pas avant de regarder une dernière fois la tombe de son compagnon...

La tristesse était un sentiment rare chez le Plancton, et mis à part les cas où il était contraint de ne pouvoir acquérir plus de dolomites, il se faisait naturellement joyeux et souriant. Pourtant, le sommeil se faisait léger chez lui en ce jour, et il n'avait dormi que 18 heures contrairement à son habitude plus feignante. Son sommeil était troublé par de sombres cauchemards, car il avait appris la triste nouvelle...

Il n'était pas du genre à montrer ses sentiments, et bien qu'il était profondément choqué il ne paraissait pas abattu par le deuil qu'il portait, il était simplement neutre, il était plus que
Il repensa avec nostalgie à tout ces bons moments passés ensembles, ces aventures, ces rigolades, ces passages où un rien suffisait à répandre la joie...
Assis au bord d'un quai de Sufokia, il laissa échapper un triste sanglot, et il se surpris à crier soudainement "MINI MENIIIIIIIIIIIII ! Petit par la taille, mais grand par le COEEEUR ! Bouhouhou...."
Certains passants déclarèrent même avoir vu une folle avec une hache soudée au bras et un mystérieux être marécageux passer près de la tombe du mythique qui s'était éteint...

Stee apprit la nouvelle peu après les autres. Il préféra se retirer dans son temple, et prier sa déesse pour qu'elle accompagne le vaillant Xelor dans l'autre monde. Il y resta longtemps. Ne pouvant trouver le sommeil, il se rendit de nuit sur sa tombe. Marchant tel une ombre parmi les ombres..

Lorsqu'il y arriva, il s'agenouilla, et planta une jeune pousse d'Orme à côté de sa sépulture. Il ajouta dans un murmure :

"-Un être part... Un autre nait... Je te souhaite de rejoindre l'autre monde et d'y trouver ce que tu cherche Menion, fils de Kalahorn."

Il partit.. Sans un bruit.